PROCÉDURE CRIMINELLE (Ancien Régime)

PROCÉDURE CRIMINELLE (Ancien Régime)
PROCÉDURE CRIMINELLE (Ancien Régime)

PROCÉDURE CRIMINELLE, Ancien Régime

La principale caractéristique de la procédure criminelle française, des Temps modernes à la Révolution, était d’accorder un rôle prépondérant au lieutenant criminel. Les droits de l’inculpé à se défendre étaient, par là, fort fragiles, ce qui apparaît à l’étude des trois grandes phases du procès: l’information, l’instruction préparatoire et le jugement.

L’information s’ouvrait lorsque le plaignant, se portant partie civile, ou, le plus souvent, le procureur du roi, saisissait le lieutenant criminel. Mais le lieutenant criminel pouvait encore se saisir lui-même en vertu de l’adage: «Tout juge est procureur général.» Le lieutenant criminel procédait alors aux constatations et rassemblait les premières preuves. Désormais, ce serait lui qui intenterait le procès. Il entendait alors secrètement la victime, puis les témoins; il communiquait ensuite son dossier au procureur du roi, qui prenait ses conclusions. À ce moment, si les charges paraissaient insuffisantes, le dossier était clos et, à supposer (ce qui était le cas le plus fréquent) que le suspect ait été arrêté, celui-ci était élargi. Mais si les faits paraissaient établis, le renvoi à l’audience pouvait être ordonné, quelle qu’ait été l’importance de la faute commise et quelle que soit la peine encourue, et la procédure suivait son cours. Lorsque le suspect n’était pas incarcéré, le lieutenant criminel pouvait décerner un décret d’assigné pour être ouï, d’ajournement personnel ou de prise de corps. Le suspect était alors placé en détention provisoire et devenait inculpé.

L’interrogatoire de l’inculpé devait avoir lieu immédiatement après l’exécution du décret, ou dans les vingt-quatre heures suivant l’arrestation. L’inculpé s’expliquait alors seul, sans l’assistance de défenseurs, et surtout après avoir prêté serment de dire la vérité. Lorsque l’accusé refusait de prêter serment, ou même de répondre, on «lui faisait son procès comme à un muet volontaire»: le juge interpellait trois fois l’accusé d’avoir à répondre, et l’avertissait trois fois sur les conséquences de son mutisme. Devant la persistance de l’accusé à ne pas vouloir répondre ou prêter serment, le juge passait alors outre, constatant cependant, chaque fois que cela était possible au cours de la procédure, que l’accusé refusait de parler. Tous les actes de la procédure restaient alors valables. Il en était ainsi même si, par la suite, l’accusé sortait de son mutisme. L’interrogatoire, une fois écrit, était transmis au procureur du roi. L’importance de l’affaire était alors considérée. Si celle-ci était minime, le lieutenant criminel convertissait la procédure en procès ordinaire, et on renvoyait à l’audience. Si elle ne l’était pas, et notamment si elle était de nature à entraîner l’application de peines corporelles ou infamantes, le procès pouvait être réglé suivant la procédure extraordinaire. Alors s’ouvrait l’instruction préparatoire.

Le lieutenant criminel procédait au récolement des témoins, hors de la présence de l’inculpé. Il procédait en fait à la lecture aux témoins de leur première déposition et leur demandait s’ils persistaient ou non en leurs allégations. Les témoins étaient aussitôt confrontés à l’accusé, qui pouvait alors, le cas échéant, formuler des reproches, ou des faits susceptibles d’affaiblir la déposition des témoins. C’était la seule occasion donnée à l’accusé de saisir l’accusation. Les pièces étaient ensuite communiquées au procureur, qui prenait des conclusions définitives. L’inculpé devenait alors accusé. Le procès venait alors devant le tribunal entier (lieutenant criminel et assesseurs): l’accusé était interrogé. La plupart du temps, la question était ordonnée; il s’agissait alors de la question préparatoire, destinée à obtenir l’aveu de l’accusé: l’accusé prêtait serment et était interrogé trois fois: avant, pendant et après la torture. Seul un aveu persistant et réitéré après la torture valait preuve certaine. Aucun conseil n’assistait l’accusé pendant l’instruction préparatoire. À la fin de celle-ci s’ouvrait la phase du jugement.

Ici encore, la procédure était secrète. Chaque pièce était lue; chaque preuve, examinée. L’accusé n’était pas jugé suivant l’intime conviction, mais suivant un système de preuves légales. Le jugement de condamnation était alors prononcé à huis-clos, puis lu à l’accusé. Procès-verbal de cette lecture était dressé. En cas de jugement de condamnation, le condamné subissait la question «préalable», destinée à avoir «de sa bouche nom et révélation de ses complices». Puis il était exécuté le jour même (exemption faite pour les femmes enceintes), généralement au petit jour, «le cri préalablement fait par le bourreau». En cas de preuves insuffisantes, il était rendu un jugement de plus amplement informé. Le plus amplement informé à temps était prononcé pour les crimes non atroces, ou lorsque les indices étaient légers. Le plus amplement informé sine die était prononcé pour les cas graves, l’accusé restait alors incerti et dubii status . Le plus amplement informé pouvait donc être assimilé à une peine de prison destinée à purger les indices légers pesant sur l’accusé. L’absolution ou le rejet de l’accusation permettaient à l’accusé d’agir en dommages-intérêts contre le plaignant. La «mise hors de cour» pouvait enfin être ordonnée. L’accusé était alors libéré, mais non lavé de tout soupçon et, surtout, il ne pouvait réclamer de dommages-intérêts: cette forme de relaxe était donc beaucoup plus usitée que la précédente.

La procédure criminelle des Temps modernes à la Révolution était écrite, secrète, laissant peu de garanties à la défense. Elle était enfermée dans un système formaliste et était avant tout commandée par l’aspect comminatoire du châtiment: le condamné n’était-il pas traîné sur une claie, au sortir de la chambre des tortures, jusqu’au lieu de l’exécution publique, c’est-à-dire, le plus souvent, au lieu où l’infraction avait été commise, et où, après l’exécution, on le laissait pourrir?

Encyclopédie Universelle. 2012.

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